Dans le contexte actuel, force est de constater que la société porte un regard de plus en plus exigeant sur le respect des dispositions du Code de l'Environnement, et notamment la préservation des espèces protégées. Ce volet constitue aujourd’hui un enjeu majeur dans la réalisation de projets d'aménagement, parfois encore insuffisamment pris en compte pas les porteurs de projet. Ces dernières années, la règlementation concernant les espèces protégées a été renforcée, requérant une plus grande vigilance de la part des porteurs de projets.
Les fondamentaux de la règlementation sur les espèces protégées
Au cœur du Code de l'Environnement, l'article L411-1 énonce une interdiction de principe : il est formellement interdit de détruire, altérer ou porter atteinte à une espèce animale ou végétale protégée, ou à son milieu de vie.
Dans la théorie, les cas de dérogations à cette interdiction, prévues par l'article L411-2, sont rares et concernent principalement les programmes de recherche scientifique ou des situations très particulières. Pour les projets y étant soumis, une dérogation peut être obtenue seulement si le projet répond à une raison impérative d'intérêt public majeur, qui doit pouvoir être démontrée, et s’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante pour atteindre le même résultat.
Il est crucial de souligner que l'obtention de cette dérogation n'est donc pas garantie. Une dérogation ne peut être accordée que si la raison impérative d'intérêt public majeur est légitime, qu'il n'y a pas de solution alternative de moindre impact, et à condition de ne pas porter atteinte significativement à la population de l'espèce concernée.
Il convient également de noter l'indépendance des législations : même si un projet est autorisé au titre du droit de l'Urbanisme, cela ne le dispense pas d'être également être conforme au Code de l’Environnement. Ainsi, même si un permis de construire à été délivré pour un projet donnée, la présence d'une espèce protégée sur l'emprise du site projet doit faire l’objet d’une demande de dérogation au titre du Code de l’Environnement, accompagné de mesures “Éviter, Réduire, Compenser” pour limiter au maximum l'impact du projet sur la biodiversité.
Les défis actuels liés à la règlementation espèces protégées
En réponse à l'enjeu majeur de préservation de la faune et de la flore dans un contexte mondial d’érosion de la biodiversité, la règlementation française concernant les espèces protégées s’est renforcée tel qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir une dérogation “espèces protégées”, notamment pour les projets liés au logement. La présence d'une espèce protégée sur un site peut ainsi rendre un terrain inconstructible, car démontrer l'intérêt public majeur devient difficilement démontrable.
Ainsi, en moyenne, environ deux tiers des dérogations accordées en préfecture sont annulées par les juridictions administratives lorsqu'elles sont contestées. En effet, il est essentiel de comprendre que l'autorisation délivrée par une préfecture n'est pas automatiquement légale, et que le respect strict des critères imposés par la réglementation, dont le Code de l’Environnement, est nécessaire.
On note cependant des disparités géographiques dans l'application de la règlementation liée à l’environnement, avec des taux d'annulation de dérogations variant souvent en fonction du dynamisme économique des régions.
Comment intégrer la présence d'espèces protégées dans un projet ?
La première étape cruciale consiste à identifier la présence d'espèces protégées sur le terrain, en faisant appel à un écologue, c’est à dire un spécialiste de la biodiversité, pour un diagnostic plus ou moins poussé. Pour les plus gros projets soumis à une étude d'impact, un diagnostic complet (a minima sur un cycle de 4 saisons) sera nécessaire. Il est donc vivement conseiller de solliciter l’avis d’un écologue le plus en amont possible dans les projets pour anticiper la composante environnementale, qui peut nécessiter jusqu’à un an d’étude.
Pour les projets non soumis à une étude d'impact, bien que la réglementation ne l'exige pas, il est également fortement recommandé de missioner un écologue afin d’éviter des frais importants pouvant découler de la découverte en cours de chantier de la présence d'une espèce protégée. Cette éventualité peut aller jusqu’à entraîner l'arrêt du chantier.
Dans tous les cas, il est de la responsabilité du porteur de projet de prendre des mesures visant à réduire les atteintes aux espèces protégées.
En cas d'absence de dérogation et de mesures de la séquence “Eviter Réduire Compenser” non mises en œuvre, tout plaignant peut demander au juge la suspension des travaux si le risque d'atteinte à une espèce protégée est prouvé. Une atteinte caractérisée peut même conduire à des poursuites pénales pour non-respect du Code de l'Environnement.
Se faire accompagner par un professionnel de la biodiversité
Solliciter l’accompagnement d’un écologue permet ainsi à tout porteur de projet d’anticiper les risques administratifs et contentieux en mettant en œuvre des mesures permettant de préserver la biodiversité, dès la phase de conception.
En conclusion, tout porteur de projet doit donc être vigilant quant à la présence d'espèces protégées sur le site, engageant systématiquement des mesures ERC sous la supervision d'un écologue. Cette démarche, bien que pouvant être perçue comme contraignante par les porteurs de projet, est incontournable pour assurer la légalité et la durabilité des projets d'aménagement dans le respect de la biodiversité.
Sources :
Morand-Deviller, J. (2020). Le droit de l'environnement. Que sais-je.
Rédaction : Camille Pilisi - janvier 2024
Photo : Couleur à collier (Natrix helvetica) - Camille Pilisi